J’étais dans une grande maison, complètement vide. Je monte des escaliers, ignorant où ils me conduiront. Il y a une odeur étrange dans cette maison. Je trouve trois chambres en haut, une d’un enfant qui ne doit pas avoir plus de deux ans, celle d’une petite princesse qui ne doit pas avoir encore la dizaine à en juger le tas de poupées et une dernière qui doit sans doute être celle de leurs parents. Elles sont toutes vides. Il y a une trappe pour monter au grenier, mais j’ai toujours eu peur de ses endroits alors je décide de faire demi-tour. Je décide de sortir, ayant déjà fouillé l’étage. J’entends alors des cris qui viennent de dehors. Un homme et une femme se hurlent dessus et les deux enfants les regardent. J’approche et je réalise que cette femme, c’est moi. La personne avec qui je me dispute n’est autre que mon mari et il part, comme mon père. Je sursaute et me réveille en sueur. Ce n’était qu’un rêve. Je soupire et me rallonge doucement. Je tourne plusieurs fois sur moi-même et finit par retrouver le sommeil.

Il ne devait pas être plus de huit heures quand je me réveille de nouveau. Dean dors encore, comme la plupart des voyageurs. J’aurais aimé que pour une fois il soit réveillé en même temps que moi, espèce de petite larve ! Cette pensée me fit sourire alors que je me tirais doucement du lit. J’avais envie d’aller faire quelques longueurs comme je le faisais quand j’étais au Canada. J’avais besoin de me détendre, de souffler un peu. Ce rêve m’avait plus perturbée que je ne voulais l’avouer. Reproduire le même schéma que mes parents avaient toujours été une peur chez moi. Si mon mari me laissait avec deux enfants, je ne sais absolument pas ce que je ferrais alors. Ma mère avait été forte, je ne l’étais pas autant qu’elle.

Je pris une douche rapide et enfilais directement mon maillot de bain noir acheté spécialement pour la croisière. En réservant une place je n’avais jamais cru que je tomberais sur lui. J’en avais été ravie, et je l’étais d’ailleurs été encore plus lorsqu’il m’avait dit que mon numéro de chambre était le même que la sienne. Je ne pouvais pas tomber sur quelqu’un de mieux que lui. Cela faisait des années qu’on se connaissait. Il savait tout de moi, ou presque, et inversement. Mon départ pour Boston ne nous avait pas séparer, ni mon départ pour le Canada. Certes nous ne passions plus autant de temps ensemble mais les lettres, les mails étaient nombreux. Il me semblait impossible d’imaginer ma vie sans lui quelque part. J’étais prête à tous les sacrifices pour lui, pour notre amitié.

Je pris une serviette et fermais la porte derrière moi. Arrivée sur le pont, mon opinion sur le fait qu’il n’y aurait personne se confirma. Tant mieux, je serais tranquille. Je déposai ma serviette sur l’un de nombreux transat et m’arrêtai un instant pour admirer la vue sur l’océan. A chaque fois que je le regardais, je me sentais tellement impuissante et si petite. Tout ça me dépassait naturellement, je réalisais que je n’étais qu’un petit grain de poussière dans ce gigantesque monde. Je pris une grande inspiration avant de tourner le dos à ce sublime paysage et plongeai sans difficulté. Un rythme lent suffirait à me détendre. Après quelques mètres je me tirais de l’eau déjà fatiguée. Alors que j’étais seule à mon entrée, il y avait à présent quelqu’un sur le pont en ma compagnie. Quelqu’un que j’avais sûrement réveillé ce matin en me levant. « Dean, j’ai fait autant de bruits que ça toute à l’heure ou tu ne résistais pas à l’envie de me voir en maillot de bain, petit pervers. »

Je n'ai jamais aimé la façon dont Dean parle de lui-même. Depuis toujours, il ne pense être que Dean Daniel Coverty, un type banal parmi les milliards de terriens dont nous faisons partis. Il ne sait pas à quel point il est exceptionnel. Je n'aurais pas quitté Londres pour n'importe quelle personne. Il n'y avait qu'un homme comme lui pour me faire quitter ma ville natale que j'aimais tant. Je me souviens du jour de notre rencontre comme si c'était hier, on était si jeune. Je pensais que je pourrais réaliser tous mes rêves que j'étais invisible et que je n'aurais pas à faire des choses qui ne me plaisait pas. J'étais inconsciente de ce qu'était la vraie vie, j'étais jeune et innocente comme on dit. J'ai fait tellement de rêves, j'avais cru que Dean et moi sortirons un jour ensemble, j'avais rapidement compris que non, je pensais que je serais une chercheuse que les labos s'arracheraient. En réalité, j'avais été refusé à l'université de New York et avait déménagé à Boston pour une fac de métrologie. J'avais ensuite déménagé au Canada pour devenir une sorte de Miss Météo. J'étais loin de mes rêves scientifique mais il allait falloir faire comme ça. J'avais peu de temps avant mon arrivée, remis toute ma vie en cause et avait décidé de partir pour cette croisière pour trouver un nouveau sens à ma vie. Je ne voulais pas animer une émission pour expliquer des trucs aux enfants toute ma vie. J'ignorais que Dean était aussi de la partie, cette découverte m'avait réjoui. J'avais besoin de le voir, besoin de passer du temps avec lui comme autrefois. M'éloigner de lui, c'était un peu comme perdre une partie de moi. J'avais mal et peu de gens arrivaient à le comprendre.

Je me souviens que la veille de mon départ pour les USA ma mère avait fait une crise de larmes, elle n'en revenait pas que je parte, comme l'avait fait mon père. Je n'aimais pas le fait qu'elle me compare à lui, j'étais donc partie, ma valise à la main, chez Lance, en colère et en pleurs moi aussi. Il est vrai que c'était un peu fou de tout quitter comme ça du jour au lendemain, surtout pour aller si loin. Mais Dean était capable de me faire faire n'importe quoi si il me tenait la main, c'était bien ça le problème. Mon départ n'avait pas été discuté, j'avais dit une semaine avant mon départ à ma mère et mon frère que j'allais partir et que rien ne me retiendrait. L'incompréhension de ma mère me blessait mais je reconnais que je n'avais rien fait pour lui expliquer ce qui me poussait réellement à partir, à quitter l'Angleterre.

J'avais toujours aimé nager. Je ne pensais plus à rien, surtout quand j'étais seule dans une piscine. L'important reposait sur mes mouvements, ma respiration non plus sur mon travail, ni sur mes problèmes, ni sur le réceptionniste du plateau qui ne cessait de faire des allusions plutôt grasses à mon propos à chaque fois que nous nous croissions. J'aimais me vider l'esprit comme ça, pas la peine de réfléchir et c'était beaucoup plus sein que l'alcool ou la drogue. Cela me permettait de garder une ligne parfaite en mangeant tout ce que je voulais. Les longueurs commencent à me fatiguer, j'ai besoin de souffler un moment, je n'ai encore rien avalé. Comme je suis seule, on va éviter le malaise dans l'eau, tant qu'à faire.

Je sors donc de l'eau et retrouve Dean. Pendant que celui-ci parle j'attrape ma serviette et commence à m'essuyer un peu. « De toute façon, j'ai toujours su que t'étais un pervers/// Tout le monde le sait, y a qu'à voir ta tête. » Je ris légèrement en l'entendant et dépose ma serviette sur le transat prends de moi. Je m'approche doucement de lui, sourire aux lèvres. « Je te refais une entrée dans l'eau si tu veux... Il est superbe ton short, il te va à merveille mais tu sais, en général c'est fait pour aller dans l'eau, donc... » Je lui attrape les avants bras et le tire vers l'eau. Ce n'est pas ma force de grenouille qui le fait plonger dans l'eau mais plutôt l'effet de surprise et le fait qu'il ne soit pas encore très bien réveiller. Je plonge bien évidemment avec lui, il ne m'aurait pas laisser la chance de rester sur le côté de l'eau alors qu'il y plongeait. « Très belle entrée mon petit, j'te met un 10 sur 10. »